Une grande classique renaît au large

Par Philippe Baroux 

Quotidien Sud-Ouest 13 février 2012
 

 

Le Yacht-club classique et le Musée maritime relancent la mythique Plymouth-La Rochelle. Ils recherchent témoignages et souvenirs avant la course de juillet.
1939, la flottille des seize voiliers de la première Plymouth-La Rochelle amarrée dans le bassin des yachts. (photo dr)
Un coup de canon retentit dans la baie de Plymouth, le 13 août 1939. Derniers jours de paix. Seize yachts franchissent la ligne de départ et s'élancent vers La Rochelle. Une flotte majestueuse et racée. Dans la « petite série », s'alignent des voiliers qui ne dépassent pas 10,50 m à la flottaison. Tandis que les « Forban », « Rose », « Bloodhound », « Aile-Noire » et autre « Mary-Bower » pointent dans la « grande série », coques aux lignes fluides et harmonieuses, jusqu'à deux fois plus grandes. C'est l'une de ces pièces majeures qui avale avec la plus grande gourmandise les 335 milles (près de 600 kilomètres) du parcours : « Bloodhound », 19,20 m, se présente aux portes de La Rochelle le 15 août. Il franchit la ligne d'arrivée à 16 h 18. Pour rejoindre le Vieux-Port, le yacht, dessiné par Charles E.Nicholsons et construit en 1936 par Camper & Nicholsons à Gosport - pour le compte d'un riche américain - aura navigué 52 h 18, depuis le sud de l'Angleterre. La réception qui suit à l'hôtel de ville fait ronfler l'emphase et briller les boutons de manchettes. On sable le champagne, « la nouba du 12e régiment de Tirailleurs Sénégalais » prête son concours, « dans une tenue impeccable », note le chroniqueur d'alors. La Plymouth-La Rochelle est née ! À l'initiative du Royal Ocean Racing Club (RORC) et de l'Union Nationale des Croiseurs (UNC), et avec le concours du Royal Western Yacht-club et de la Société des régates rochelaises.
Illustres Rochelais
Après la parenthèse de la Seconde Guerre mondiale, cette course-croisière sera organisée à un rythme biennal. La flottille massée dans le bassin des Yachts, calée entre quai Valin et Gabut, hissera ses grands pavois jusqu'au seuil des années 80.
Joyaux de la voile classique, des plans Fife, Sparkman & Stephens, Phil Rhodes, sloops, yawls, goélettes, ketchs, et autres cotres. En 1963, on dénombre 61 inscrits ! Néerlandais, Anglais, Français se mesurent à armes égales. Le nom du Rochelais Fernand Hervé (par ailleurs l'un des quatre créateurs du Grand pavois) claque au vent. Ses « Eloise », puis « Eloise II » montreront leurs poupes à plus d'un adversaire. « Danycan », autre voilier hébergé à La Rochelle (propriété du comte de Rosanbo), s'illustrera aussi au palmarès.
Renaissance en juillet
Nostalgie. Si l'on excepte l'initiative de quelques passionnés qui attireront dix bateaux au départ en 1992, cette grande classique a bel et bien affalé ses dernières belles voiles classiques. Officiellement depuis 1981.
Or, certaines de ces perles existent encore. Une politique incitative du Musée maritime de La Rochelle, épaulé par le Yacht-club classique, leur propose l'abri du bassin des Chalutiers et des courses rassemblées dans un Challenge atlantique et ses déclinaisons, Coupe des deux phares, et tous les dix ans, Coupes des trois phares. Le patrimoine vit, au départ d'Angleterre et d'Irlande, ou de la pointe Finistère, avec arrivée à La Rochelle. 42 bateaux d'avant 1968, pièces uniques ou de petites séries, s'amarrent ainsi régulièrement au pied de l'encan. Tandis que 200 coques différentes ont pris part à l'une des courses du Challenge classique.
Un creuset qui autorise à caresser un rêve : en juillet prochain, pour fêter les 20 ans de la Coupe des deux phares, Yacht club classique et Musée maritime remettent la Plymouth- La Rochelle à l'ordre du jour. Départ d'Angleterre le 25 juillet et déjà une vingtaine de pré-inscriptions.
 

PLYMOUTH- LA ROCHELLE revival 2012.

Ce 1er août 2012, le Vieux Port de La Rochelle était en fête et les promeneurs pouvaient admirer la parade d’une trentaine de yachts classiques dont la plupart venaient de participer à la Coupe des 2 phares et à la course Plymouth-La Rochelle. Tradition oblige, les équipages furent reçus, un peu plus tard, à la Mairie puis dans les locaux du Musée Maritime pour un non moins traditionnel repas des équipages. Et c’est dans une ambiance festive et amicale comme en témoigne the « Mabel’s song » que se clôturait l’évènement le plus marquant du CCMA 2012.
Quelques mois plus tôt, le Royal Western Yacht Club et le Yacht Club Classique s’étaient accordés pour faire resurgir de l’histoire de la plaisance cette course mythique. L’engouement fut immédiat et tout fut mis en œuvre pour la réussite de cette course ancrée dans la mémoire rochelaise. Il importait aussi de marquer la 20ème édition de la Coupe des 2 Phares.
Le lundi 23 juillet, sous un soleil éclatant, concurrents et accompagnateurs, à l’exception de Rocquette, retenue à l’Aber Wrach, se retrouvaient sur les pontons de Sutton Harbour. Le mythique Royal Western Yacht Club ouvraient ses portes pour accueillir avec faste les équipages des 23 yachts engagés : 7 anglais, 1 belge et 15 français. La flottille représentait une belle variété de yachts anciens comme Chrisando (1937), Foglio (1937), Kayyham (1939), Baltic Bris (1947) Kraken 2 (1949), Sinbad (1950), ou plus récents tels Talia (1969), Mao Titoï 3 (1970), Sarabande of Dart (1971) Gerfaut 3 (1973) ainsi que des représentants des années soixante Trident, Men Brial, Thalamus, Mabel…et Ninita (2004) réplique de Nina (1927). Parmi eux, plusieurs voiliers avaient déjà participé  dans les années soixante : Cariacou, Griffon, Trident, Rocquette (ex Blue Jackett).
Le départ de Plymouth fut donné le mercredi 25 juillet vers 15h00.
La météo fut particulièrement clémente, presque trop et ce n’est que 36 heures plus tard que ce bel ensemble accostait cul à quai au Port Rhu, à l’exception de Griffon victime d’une avarie au départ de Plymouth.
Un seul regret l’absence de John Dory (vainqueur en 1939), de Danycan (vainqueur en 1957), de Farewell et de Marie-Christine 3, ces 3 derniers étant en cours de restauration.
Le 29 juillet, ce sont 25 yachts qui prennent le départ de la deuxième étape et de la Coupe des 2 Phares. Sarabande of Dart, Falcon of Boston et Griffon sont non partants tandis que Rocquette, Ellad, Rose Noire et Tête en Bois ont rejoints la flotte. La longue baie de Douarnenez sera couverte au louvoyage. Le Raz de Sein se refermera derrière la flotte au complet, sous la surveillance bienveillante de la vedette des Douanes « Aunis 2 ».
Le petit temps qui se maintiendra jusqu’à La Rochelle, mettra à rude épreuve la vigilance des équipages pour tenter de bénéficier au mieux des effets de brise tant diurnes que nocturnes. A ce jeu, en temps réel, c’est Chrisando qui prendra le meilleur, après plus de 48 heures de course, mais c’est le redoutable et redouté Kraken 2 qui s’assurera, dans la brise thermique du Pertuis Breton, la victoire en temps compensé. On notera l’abandon de Rose Noire II, Trident, Maestrale V, Aquatinte II, Ellad, Men Brial, et Tête en Bois.
On retiendra le palmarès :
1er  Chrisando (1937) 2ème Kraken 2 (1949) 3ème Mao Titoï III (1969) 4ème Pangur Ban (1953) 5ème Cariacou (1967).